Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/512

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ses actions, depuis les jours de sa jeunesse, il y avait assez de honte pour faire rougir un front d’airain ; mais aucun aveu n’eût égalé pour lui, en amertume, l’aveu de sa basse origine.

Ce qui le préoccupait n’était point la pensée d’une faute ou d’un crime ; il n’y avait dans son angoisse ni remords ni pudeur ; au fond de son âme sourde, ce qui se révoltait, c’était un orgueil puéril, et il ne souffrait que de sa vanité blessée.

Mais il souffrait cruellement, et, pour la première fois depuis bien des années, il sentait son cœur battre au-dedans de sa poitrine.

Le baron, cet homme qui semblait doué de seconde vue, avait-il deviné le suprême mystère de sa conscience ?…

Il restait là embarrassé, irrésolu, n’ayant pas le courage de faire face à sa situation, et n’osant point s’enfuir.

Klaus sentait vaguement le péril de sa position de témoin dans cette circonstance, fâcheuse pour son maître ; il détournait la tête d’un air effrayé ; il aurait donné un bon mois de gages pour se trouver tout à coup transporté, par magie, à l’autre bout de Paris.

La vieille marchande du Temple ne voyait rien de tout cela. Elle attachait sur le chevalier de Reinhold un regard où se lisaient à la fois une tendresse sans bornes et une poignante douleur.

Elle s’était aperçue de l’absence du baron, en ce sens seulement qu’elle s’était dit, la pauvre vieille :

— Maintenant que le voilà seul, peut-être qu’il va venir à moi…

Et, tout au fond de son cœur navré, un peu d’espoir s’était ranimé, un espoir bien faible. — Mais les voyageurs ont dit les délices d’une goutte d’eau sur leurs gosiers éprouvés par la longue soif du désert…

Pour ceux qui ont souffert longtemps, l’espérance agit à petites doses. Le malheureux, habitué à la nuit de son cachot, prend les lueurs pâles du crépuscule pour le brillant soleil.

La marchande du Temple attendait, et ses larmes se séchait sous sa paupière.

Elle attendit longtemps. Durant ces minutes de silence, un monde de souvenirs s’éveillait dans son âme.

Elle se voyait jeune et forte, conduisant par la main un blond enfant