50 LE JEU DE LA MORT.
La longue figure du vicillard eut un sourire funèbre.
— Tu me croyais mort déjà, n’est-ce pas? murmura-t-il ; j'ai quatre-vingt-deux ans.
— Vous resterez longtemps encore avec nous, mon oncle, voulut dire la jeune fille.
Jean de la Mer l’interrompit.
— Fais sonner ma montÿe, Berthe, reprit-il.
Berthe obéit. La montre sonna deux heures après minuit.
— Ferme la porte, ajouta Jean de la Mer; mets le verrou... ces deux neveux que j'ai nourris m'abandonnent.…
— Oh monsieur !… fit Berthe.
— Eh bien! quand ils m'abandonneraient! où serait le mal, puisque je vais mourir? Ils ne peuvent plus rien espérer de moi; ils s'en vont. L'homme est ainsi fait, petite fille. J1 y a bien longtemps que je le sais.
Berthe, habituée à cette chambre connue, s'était dirigée vers la porte sans tâtonner. La porte fut fermée.
— Viens ici, Berthe , poursuivit Jean de la Mer dont la voix s’adoucit encore ; assieds-toi là, tout près de moi, et causons.
Berthe s’assit sur la chaise occupée naguère par Fargeau, le plus âgé des neveux de Jean