PROLOGUE. 5t
Créhu. Le vieillard lui prit les mains, ct Berthe eut un frisson au contact de ces doigts glacés.
— Suis-je bien changé? demanda confiden- tiellement Jean de la Mer.
Puis sc reprenant vivement, il ajouta en sou- riant avec amertume :
— Fou que je suis!... En voyant ces beaux grands yeux bleus, j'oublie toujours qu'elle est aveugle.
Berthe avait baissé la tête.
Jean de la Mer la contemplait, et son re- gard avait repris un peu de vie.
— Oui... oui..., pensa-t-il tout haut, voilà le monde, l'œuvre de celui qu’on appelle Dieu !.… Dans ce fruit mûr et vermeil qu’on va porter à ses lèvres, il y a un ver impur... Et cctte en- fant qui ressemble aux anges est frappée d’un châtiment horrible. Elle qui n’a jamais péché !
Berthe devint plus pâle ; puis un incarnat vif envahit sa jouc tout à coup.
Était-ce qu’elle comprenait le sens froidement blasphématoire des paroles du vieillard ? Était-ce que ce mot: elle n’a jamais péché, tombait sur sa conscience comme un reproche?
Elle garda le silence.
Jean de la Mer continuait :
— À l’âge où les autres jeunes filles s’épa-