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Page:Féval - Le Jeu de la Mort, volume 1 - 1850.djvu/62

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LE JEU DE LA MORT

52 LE JEU DE LA MORT.

nouissent comme des fleurs dans le sourire et dans la joie, tu souffres, toi, ma pauvre Berthe. Tu n’aimes pas et tu n’es pas aimée.

Il lâcha la main de Berthe, et son regard, redevenu morne, se perdit de nouveau dans le vide.

Il ne vit pas la paupière de Berthe battre, lutter, puis se fermer sur une larme qu'elle vou- lait cacher.

La larme glissa entre les cils, et roula lente- ment sur la joue.

Berthe ne disait rien.

— Sais-tu? reprit Jean de la Mer, une fois, j'ai voulu te tuer, Berthe, tant j'avais pitié de toi! Tu avais un an. La veille, j'avais vu tes grands yeux bleus me sourire, et sourire aussi joyeusement au beau soleil des tropiques qui se levait dans les vapeurs, au loin, sur l'Océan. Car tu n'étais pas aveugle, alors.

Berthe se redressa. Vous eussiez dit que ses yeux, brillants et inquicts, avaient recouvré tout à coup la faculté de voir.

— Ce fut ce jour-là, poursuivit le vieillard , que Dieu te frappa, toi, pauvre innocente... Un orage vint... Tu jouais sur le gaillard d'arrière dans les bras de ta mère.

— Ma mère! répéta Berthe.