Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de Boüexis-en-Forêt, et possédait, à une demi-lieue du bourg de Liffré, un domaine qui le faisait suzerain de presque tout le pays.

Son château de la Tremlays était l’un des plus beaux qui fût dans la Haute-Bretagne ; son manoir de Boüexis n’était guère moins magnifique. Il fallait deux heures pour se rendre de l’un à l’autre, et tout le long du chemin on marchait sur la terre de Treml.

M. Nicolas, comme on l’appelait, était un vieillard de grande taille et d’austère physionomie. Ses longs cheveux blancs tombaient en mèches éparses sur le drap grossier de son pourpoint coupé à l’ancienne mode. L’âge n’avait point modéré la fougue de son sang. À le voir droit et ferme sur la selle, lorsqu’il chevauchait sous la futaie, les gens de la forêt se sentaient le cœur gaillard et disaient :

— Tant que vivra notre monsieur, il y aura un Breton dans la Bretagne, et gare aux sangsues de Paris.

Ils disaient vrai. Le patriotisme de Nicolas Treml était aussi indomptable qu’exclusif. La décadence graduelle du parti de l’indépendance, loin de lui être un enseignement, n’avait fait que grandir son obstination. D’année en année, ses collègues des États écoutaient avec moins de faveur ses rudes protestations ; mais il protestait toujours, et c’était la main sur la garde de son épée qu’il fulminait ses menaçantes diatribes contre le représentant de la couronne.

Un jour, pendant qu’il parlait, messieurs de la noblesse se prirent à rire et plusieurs voix murmurèrent :