Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/143

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Il est à croire que dame Goton Rehou, femme de charge du château, ne recevait point d’ordinaire ses visites à heure si indue. La bonne dame avait soixante ans, et, à cet âge, les femmes de charge ne craignent que les voleurs.

Elle dormait ou faisait la sourde oreille : Jude ne reçut point la réponse.

Il frappa de nouveau et plus fort.

— Béni Jésus ! dit la voix enrouée de la vieille dame, le feu est-il au château ?

— C’est moi, c’est Jude, murmura celui-ci en frappant toujours, Jude Leker !

Goton n’était point une femmelette. Elle prit un gourdin et s’en vint ouvrir, bien que son oreille, rendue paresseuse par l’âge, n’eût pas saisi une syllabe des paroles de Jude.

— On y va ! grommelait-elle ; si ce sont les Loups, eh bien ! je leur parlerai du vieux Treml, et ils ne toucheront pas un fétu dans la maison qui fut la sienne ; si ce sont des esprits…

Elle fit un signe de croix et s’arrêta.

— Ouvrez donc ! dit Jude.

— Si ce sont des esprits, continua la vieille, eh bien ! Bah ! ils auraient aussi bien passé par le trou de la serrure !

Elle ouvrit et mit son gourdin en travers.

— Qui vive ? dit-elle.

— Chut ! dame ; silence au nom de Dieu !

— Qui vive ? répéta l’intrépide vieille en levant son bâton.

Jude le saisit, entra, ferma la porte et répondit :