Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/158

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— Oh ! fit Mlle  de Vaunoy dont la voix devint plus sévère, vous n’avez rien à vous reprocher, je le sais ; mais ne niez pas, ce serait mal. Il y a une fraternité entre nous autres jeunes filles de la forêt. Je suis noble et riche, elle est paysanne et pauvre ; mais, enfants, nous nous sommes rencontrées souvent dans les bruyères. Nous avons joué autrefois sous les grands chênes qui protègent Notre-Dame de Mi-Forêt ; je l’avais apprivoisée, la petite sauvage ! Depuis lors, tandis qu’elle restait dans sa solitude, je faisais, moi, connaissance avec le monde ; tandis qu’elle courait libre sous le couvert, j’apprenais mes devoirs de fille noble : j’apprenais à porter le velours et la soie, à parler, à me taire, à sourire. Étrange destinée ! elle, dans sa solitude, moi, au milieu des somptueuses fêtes de Rennes, nous avons subi toutes deux le même sort. Dieu la destinait à l’homme que je… que je croyais souhaiter pour mari.

— Vous ne le croyez plus, Alix ?

— Un jour, il y avait deux mois que vous étiez parti, Didier ; je me promenais seule dans la forêt, songeant encore aux fêtes de Mgr  le comte de Toulouse, lorsque j’entendis une voix connue qui chantait sous le couvert la complainte d’Arthur de Bretagne.

— Fleur-des-Genêts ! balbutia le capitaine.

Alix sourit doucement.

— Vous savez enfin de qui je parle, Didier, dit-elle. Il y avait bien longtemps que je ne l’avais vue. Que je la trouvai belle, ce jour-là ! Elle me reconnut tout de suite et vint à moi les bras ouverts. Puis elle prit dans son panier de chèvrefeuille un beau bouquet de prime-