Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/170

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Vaunoy haussa les épaules avec affectation.

— Monsieur l’intendant a raison, dit le capitaine qui, depuis dix minutes, n’apportait plus à la discussion qu’une attention fort médiocre.

— Permettez, dit encore Béchameil répondant au geste de Vaunoy ; je serais mortifié que vous puissiez croire…

— Allons déjeuner, interrompit en souriant le maître de la Tremlays.

Le coup était d’un effet sûr : il porta. Béchameil remua convulsivement les mâchoires, comme s’il eût voulu parfaire son explication ; mais il ne put que répéter ces mots qui éveillaient les plus tendres échos de son cœur :

— Allons déjeuner.

Vaunoy s’appuya familièrement sur le bras de Didier. Béchameil, les narines gonflées et saisissant au vol parmi les effluves épandues dans l’air toutes celles qui venaient de l’office, ouvrit la marche. En chemin il fut décidé que le convoi d’argent partirait de Rennes le lendemain. De la ville au château, l’étape était courte, mais les routes de Bretagne, en l’an 1740, étaient tracées de manière à quadrupler la distance.

Béchameil, malgré la proéminence notable de son abdomen, monta le perron en trois sauts. Une minute après, il nouait sa serviette autour de ses mentons et dégustait savamment un salmis d’ailerons de bécasses qu’il déclara sans pareil et fêta en conscience.

Hervé de Vaunoy ne resta point oisif durant cette matinée. Le déjeuner était à peine fini, et M. de Béchameil venait de s’étendre sur un lit de jour pour se livrer à