Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/196

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éclair, et Jude, vieux chasseur habitué aux êtres de la forêt, devinait, à l’imperceptible agitation des basses branches du taillis, que la solitude n’était pas si complète en réalité qu’en apparence, et que plus d’un regard était ouvert derrière ces épaisses murailles de verdure.

Lorsqu’il s’approcha de la croix de Mi-Forêt, qui, comme l’indique son nom, marquait à peu près le centre des bois, le paysage changea et devint plus désolé encore s’il est possible. En ce lieu, toutes les routes de grande communication qui traversent la forêt se croisent. Les clairières y sont plus abondantes que partout ailleurs, et le voisinage des chemins avait rassemblé dans les environs une multitude d’industries forestières.

Tout le long des larges et belles allées qui se coupaient en étoile au pied de la croix, on voyait jadis une bordure de loges couvertes en chaume, où travaillaient des tonneliers, des vanniers et des sabotiers.

Jude trouva ces loges incendiées pour la plupart ; celles qui, çà et là, restaient debout, étaient dévastées et gardaient des traces non équivoques de ravages opérés par la main de l’homme.

Jude s’arrêtait devant ces ruines rustiques et rappelait les souvenirs du passé. Au temps où Treml était seigneur du pays, toutes ces loges étaient habitées et tous leurs habitants étaient heureux.

— Les gens de France ont passé par là ! se disait le vieil écuyer. Sous prétexte d’impôts, ils ont demandé la bourse ou la vie, et les hommes de la forêt n’ont pas de bourse.