Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/198

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autorisés par ce nouvel exemple, firent de même, et ce fut bientôt de toutes parts un système d’attaque et de compression contre les malheureux de la forêt.

D’un côté, le fisc ; de l’autre, les propriétaires. Celui-là leur arrachait leurs faibles épargnes, ceux-ci leur enlevaient tout moyen de vivre.

Les gens de la forêt, nous croyons l’avoir déjà dit, ressemblaient plus au sanglier qu’au lièvre ; néanmoins dans le premier moment, traqués, poursuivis de toutes parts, ils ne cherchèrent leur salut que dans la fuite, et se cachèrent au fond des retraites ignorées qui pullulaient alors dans le pays.

Mais leur naturel farouche et belliqueux supportait impatiemment cette tactique pusillanime : pour combattre, ils n’avaient besoin que de se concerter.

Au premier appel, ils se levèrent.

Les épais fourrés de la forêt vomirent inopinément cette population sauvage, et mal en prit aux agents du fisc aussi bien qu’aux avares propriétaires qui avaient suscité cette tempête. Bien des cadavres jonchèrent la mousse des futaies, bien des ossements blanchirent sous le couvert, et, par les nuits noires, plus d’une gentilhommière, attaquée à l’improviste, porta la peine de la cupidité de son maître.

On fit venir des soldats de Rennes et de toutes les villes environnantes ; mais, à mesure que l’attaque s’opiniâtrait, la résistance s’organisait plus puissante. Il devint évident que les insurgés (car leur nombre et leurs griefs défendaient qu’on les appelât bandits) avaient un chef habile et résolu, dont les ordres, quels qu’ils fussent, étaient suivis avec une aveugle soumission.