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Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/199

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Le moment vint où la défense, conduite avec un ensemble merveilleux déborda l’attaque.

Les rôles changèrent. Les opprimés devinrent agresseurs, et un beau jour cinq mille paysans en sabots, le visage couvert de masques bizarres, firent irruption jusque dans Rennes et pillèrent l’hôtel de M. le lieutenant du roi.

De ce moment, la terreur se mit de la partie. L’insurrection acquit ce prestige qui est à toute entreprise comme un gage assuré de succès. On entoura le chef des révoltés d’une mystérieuse auréole, et chacun eut à raconter sur son compte quelque miraculeux exploit. Les gens de la forêt devinrent populaires à vingt lieues à la ronde. Ils eurent leurs généalogistes, et les savants du crû prirent la peine de rattacher leur association par des liens historiques et d’ailleurs incontestables à la fameuse société politique des Frères bretons, qui, au milieu du siècle précédent, avaient failli enlever la Bretagne à la domination française.

Dès l’origine du soulèvement, les principaux conjurés s’étaient réunis en sociétés secrètes, sous les ordres de ce chef qui devait bientôt se rendre si redoutable. En ce temps déjà, les hommes de la forêt étaient les partisans naturels de cette association ; mais rien n’était organisé ; les membres affiliés de prime abord avaient tout à craindre.

Ce fut sans doute ce danger qui leur inspira la pensée d’entourer leurs actions d’un mystère absolu et de ne jamais quitter leur retraite sans avoir le visage couvert d’un masque.

Ce masque était tout simplement un carré de peau