Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/223

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le remède qui était sur la table, mais l’un des soldats leva son épée et fit voler le vase en éclats.

« — Qu’il paie d’abord, dit le soldat ; après il boira.

« Vaunoy, qui était sur le seuil, se prit à rire.

« Les dents de Jean étaient serrées à se briser. Il ne pouvait parler, mais il montra du geste la bourse, et le collecteur s’en empara.

« — Je vous disais bien qu’ils avaient de l’or ! grommela Hervé de Vaunoy qui riait toujours.

« Le collecteur compta quatre louis et demanda les quatre livres qui manquaient.

« — J’ai soif ! murmura Mathieu Blanc, que prenait le râle de la mort.

« Pas une goutte de liquide dans la cabane ! Jean Blanc se mit à genoux devant un soldat qui portait une gourde. Le soldat comprit et eut compassion ; mais Vaunoy s’avança et repoussant l’albinos avec haine :

« — Qu’il paie ! dit-il.

« — Je n’ai plus rien ! sanglota Jean ; plus rien, sur mon salut ; tuez-moi et prenez pitié de mon père.

« Mathieu Blanc fit effort pour se lever ; il étouffait ; c’était horrible.

« — J’ai soif ! râla-t-il une dernière fois.

« Puis il retomba mort sur la paille du grabat. »

En arrivant à cette partie de son récit, la voix de Pelo Rouan était graduellement devenue haletante et étranglée. Elle s’éteignit tout à coup lorsqu’il prononça ces derniers mots, et Jude sentit sa main mouillée, comme par une goutte de sueur ou une larme.