Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/224

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Le bon écuyer, du reste, n’était guère moins ému que Pelo Rouan lui-même.

— Le pauvre garçon ! murmura-t-il en serrant convulsivement ses gros poings ; le pauvre garçon ! Voir ainsi assassiner son père ! Et ce misérable Vaunoy !… pour Dieu, mon homme, que fit Jean Blanc après cela ?

Pelo Rouan respira avec effort.

— Jean Blanc, répéta-t-il, lorsqu’il mourra, n’éprouvera point une angoisse comparable à celle de cet affreux moment. Il voila le visage de son père mort et s’agenouilla auprès du lit, sans plus savoir qu’il y avait là dix misérables pour railler sa douleur. Mais ils ne lui laissèrent pas oublier longtemps leur présence.

« — Eh bien ! manant, dit le collecteur, les quatre livres que tu dois au roi !

« Jean Blanc se leva et se retrouva face à face avec ces hommes qui venaient de tuer son père. Un instant il crut que son débile cerveau allait éclater ; sa folie le pressait ; il sentait les approches du délire ; mais une force inconnue et nouvelle le grandit tout à coup. Son esprit vacillant s’affermit. Il se reconnut homme après sa longue enfance, et ce fut comme une miette de joie au milieu de son immense douleur.

« — Arrière ! cria-t-il d’une voix qui ne gardait rien de sa faiblesse passée.

« Les soldats se mirent entre lui et la porte, mais Jean Blanc avait du moins conservé son agilité prodigieuse : il bondit, et son corps, lancé comme la balle d’un mousquet, passa au travers de la serpillière qui fermait la croisée. Dehors, Jean Blanc retomba sur ses pieds.