Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/236

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pour le tenter. Jean Blanc a autant et plus de hâte que toi d’en finir avec Vaunoy, car Mathieu et Sainte ne sont pas encore vengés. Or, le jour où Vaunoy aura dit son dernier mot sur Treml, Jean Blanc chargera son vieux mousquet et recommencera la chasse, interrompue il y a dix-huit ans, sur la lisière de la forêt ; mais jusqu’ici ce misérable meurtrier a toujours échappé. Dernièrement encore, le manoir de Boüexis fut attaqué dans le seul but de s’emparer de sa personne : il l’avait quitté cette nuit même, et les assaillants ne trouvèrent que les débris, tièdes encore, de son repas du soir.

— Vaunoy est un madré gibier, dit Jude en secouant la tête.

— Jean Blanc est un chasseur patient, répondit Pelo Rouan, et sa meute se compose de deux mille Loups.

— Est-ce ainsi ? s’écria Jude dont la lente intelligence fut enfin frappée ; Jean serait-il ce mystérieux et terrible Loup blanc ?

— Mon compagnon, répliqua le charbonnier avec une légère ironie, Jean est Loup et il est blanc ; mais je ne sais si c’est de lui que parlent aux veillées des manoirs voisins, les vieilles femmes de charge et les valets peureux. Jean Blanc peut beaucoup ; mais il est toujours le malheureux sur qui pèse incessamment la main de Dieu. Les accès de son terrible mal deviennent de jour en jour plus fréquents… Et certes, ajouta Pelo Rouan dont la voix s’étrangla tout à coup, il n’eût pas pu faire le récit que tu viens d’entendre sans porter la peine de sa témérité : Jean n’affronte jamais en vain ses souvenirs.

Après avoir prononcé péniblement ces derniers mots,