Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/29

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Vaunoy qui le craignait vaguement et d’instinct, Jude et M. de la Tremlays qui ne dédaignaient point de causer parfois familièrement avec lui, personne ne s’occupait beaucoup du pauvre albinos.

On admirait sa merveilleuse adresse à tous les exercices du corps, comme on eût admiré l’agilité d’un chevreuil de la forêt. Sa douteuse folie ne l’entourait pas même de ce prestige qui s’attache, dans les contrées demi-sauvages, aux êtres privés de raison. Les gens de la forêt se défiaient de sa démence et ne la trouvaient point de franc aloi.

Quant aux femmes, Jean était pour elles un objet de dégoût ou de moquerie. Elles riaient en apercevant de loin sa face enfarinée que nous ne saurions comparer qu’au masque populaire de nos pierrots ; elles frissonnaient lorsque le soir elles voyaient briller, sous le linceul de sa chevelure, l’éclat phosphorescent de ses yeux.

Revenons à Nicolas Treml que nous avons laissé méditant au chevet de son petit-fils Georges.

Sans doute le sujet de ses réflexions le captivait bien puissamment ; car pendant de longues heures il demeura immobile et si profondément absorbé qu’on eût pu le prendre pour l’un de ces vieillards de pierre qui dorment autour des tombeaux.

L’horloge du château avait sonné minuit depuis longtemps lorsqu’il secoua sa préoccupation.

Il se leva ; son visage était sombre, mais résolu. Il saisit la lampe qui brûlait auprès de lui et traversa doucement la salle, assourdissant le sonore cliquetis de ses éperons pour ne point troubler le sommeil de Georges.