Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/292

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yeux fermés, je m’en souviens maintenant, sont bien les yeux d’un Breton : hardis et bons ! Oh ! c’est un beau soldat, que le dernier fils de Treml ! C’est un digne rejeton du vieil arbre. Si je l’avais reconnu plus tôt !…

Il prit la main de Didier et se pencha sur elle, ne pouvant la soulever jusqu’à sa lèvre.

— Notre monsieur ! mon fils ! poursuivit-il avec une passion si ardente que les dernières gouttes de son sang loyal remontèrent à sa joue, éveillez-vous pour que je vous salue du vaillant nom de vos pères ! éveillez-vous, enfant de Treml ; votre vie sera belle et glorieuse désormais…

Il s’arrêta ; son regard exprima tout à coup une terreur.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! cria-t-il d’une voix sourde ; il dort et je vais mourir ! Je vais mourir, emportant son secret, son bonheur : tout ce que Dieu vient de lui rendre !

Jude regardait maintenant son jeune maître avec des yeux découragés. La vie l’abandonnait ; il le sentait, et c’était pour lui une accablante angoisse que de faire défaut pour ainsi dire au dernier Treml, que de l’abandonner en ce moment suprême, où un seul mot, prononcé et entendu, lui rendait fortune et noblesse.

— Je ne veux pas mourir, reprit-il avec effort ; ce serait trahison ! Il faut que je vive pour le servir et pour l’aimer. Arrête-toi donc, mon sang ; tu es à lui, tout à lui ! Notre-Dame de Mi-Forêt, sainte mère du Christ, ayez pitié ! Qu’il s’éveille, ou que je vive ! Sainte