Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/294

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Or, on sait qu’un homme ivre, si poltron qu’il puisse être, s’endormirait à dix pas de la bouche d’un canon.

Maître Alain s’était endormi.

En s’éveillant, son premier soin fut de donner une marque d’affection à sa bouteille carrée. Il ne se souvenait de rien.

Après avoir avalé une ample rasade, il se leva, chancelant, et plus ivre que jamais.

— Pourquoi diable suis-je hors de mon lit ! se demanda-t-il.

Un coup d’œil jeté autour de lui éclaira sa mémoire.

— Ho ! oh ! dit-il ; la bataille est finie. Voici mon vieux compagnon Jude dans l’état où je le désirais. Et ce jeune coquin de Georges Treml ! il dort comme un bienheureux. Ma foi ! je vais achever la besogne.

Il prit son poignard et marcha laborieusement vers le lit, non sans dire un mot en chemin à sa bouteille, pour se donner du courage. Au premier pas, il trébucha contre le corps de Lapierre.

— Tiens, gronda-t-il, le voilà qui dort aussi ! Lapierre ! viens m’aider, mon garçon.

Lapierre n’avait garde de répondre. Maître Alain se pencha sur lui et lui mit le goulot de son flacon carré dans la bouche.

— En veux-tu ? demanda-t-il suivant sa coutume.

L’eau-de-vie se répandit à terre. Maître Alain se releva.

— Il ne boira plus ! dit-il avec solennité.

Au moment où il arrivait à portée du lit, il s’arrêta