Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/313

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Didier fit quelques pas en chancelant et s’assit au pied d’un arbre où il s’endormit aussitôt. Marie attira le cheval dans le taillis, mit la tête de Didier sur la mousse et demeura immobile.

Il était sauvé ; elle était heureuse, et veillait avec délices sur son sommeil.

Un quart d’heure à peine s’était écoulé, lorsqu’elle entendit un bruit de pas dans le sentier. Elle retint son souffle et vit d’abord quatre hommes dont chacun portait le bras d’une civière, où un cinquième individu était étendu garrotté. Ces quatre hommes marchaient en silence. Ils passèrent.

Puis un sourd fracas retentit dans la direction de la Tremlays, augmentant sans cesse et approchant avec rapidité. Marie, effrayée, traîna le capitaine au plus épais des buissons.

Presque au même instant, la cohue des Loups envahit le sentier.

Ils n’allaient plus en silence et tâchant d’étouffer le bruit de leurs pas, comme lorsque le pauvre Jude les avait rencontrés quelques heures auparavant. C’était un désordre, une joie, un vacarme. Ils couraient, chantant ou devisant bruyamment. Sur leurs épaules sonnaient de gros sacs de toile tout pleins des pièces de six livres de M. l’intendant royal.

La prise était bonne ; la nuit s’était passée en pillage et en orgie ; c’était fête complète pour les gens de la forêt.

« Ce n’est pas péché de voler le roi ! » disait le proverbe breton. Les Loups étaient contents d’eux-mêmes autant que s’ils eussent fait œuvre pie.