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Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/337

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Didier resta soucieux. Évidemment M. de Béchameil ne serait pas le seul à l’accuser. Les deniers de l’impôt étaient à sa garde. Pour se disculper, un moyen unique se présentait, c’était de mettre au jour l’infâme conduite d’Hervé de Vaunoy.

Mais Alix ! Alix qui venait de le sauver ! Alix si noble et si malheureuse !

Didier repoussa bien loin cette idée.

Sans y songer, il prit la route de sa chambre. La porte était grande ouverte. Il entra.

Sur son lit, le corps du brave écuyer Jude était étendu. Une femme, agenouillée au chevet, priait à voix haute, récitant avec lenteur les versets du De Profundis. C’était la dame Goton Rehou qui rendait les derniers devoirs à son vieil ami.

Didier se découvrit et continua de marcher. Au bruit des éperons, la femme de charge tourna la tête. Elle n’avait point encore aperçu le capitaine, et sa vue lui causa une émotion dont la cause restait pour elle un mystère.

Didier s’arrêta près du lit ; il considéra longtemps en silence les traits de Jude auxquels la mort n’avait pu enlever leur expression de fermeté intrépide.

— Pauvre Jude ! pensa-t-il tout haut, car il avait oublié déjà la présence de la vieille femme. Dieu n’a point permis qu’il arrivât au but si ardemment souhaité. Il est mort avant d’avoir retrouvé le fils de son maître. Il est mort un jour trop tôt.

La vieille Goton Rehou se prit à trembler.

— Monsieur, monsieur, dit-elle ; mes yeux sont chargés de vieillesse et il y a vingt ans que je n’ai vu