Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/54

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En des temps plus éloignés de nous et lorsque la chevalerie était encore une vérité, les fils de preux ne chaussaient point les éperons de plein droit ; il leur fallait porter la lance d’autrui avant de mettre une devise à leur écu, et c’était par les épreuves d’une domesticité véritable qu’ils devaient passer pour arriver au titre le plus splendide dont jamais vaillant homme ait été revêtu : celui de chevalier.

Or, comme nous l’avons dit, les mœurs sont stationnaires en Bretagne et les souvenirs vivaces. Au commencement du siècle qui vit compiler l’encyclopédie et dressa un piédestal à Voltaire, les rites féodaux n’étaient point oubliés en Bretagne, au « pays des pierres et des mers ». Les gentilshommes, qui ne perdaient jamais de vue les cheminées de leurs manoirs, n’avaient pu changer de peau au contact des idées nouvelles. Les vassaux étaient des vassaux dans toute la force du mot, c’est-à-dire des termes de la grande progression féodale.

Les valets étaient des « petits vassaux » [1].

On ne doit point s’étonner si nous faisons une différence entre Jude et un serviteur à gages de notre époque. Nous restons dans la vérité. Jude tout disposé qu’il était à obéir passivement et sans discussion, gardait entière sa dignité d’homme. Son obéissance avait la même source, sinon la même portée, que le dévouement d’un haut baron à la personne du roi.

Lorsque M. de la Tremlays eut refermé le coffret à double tour, il jeta autour de lui un regard inquiet.

— Sommes-nous seuls, demanda-t-il à voix basse, bien seuls ?

  1. Valet, — vaslet (vasselet).