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Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/82

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ses pieds, il imprima un mouvement de fronde à ce balancier, puis, ouvrant les mains tout à coup, il se trouva lancé tout près de l’endroit où Georges avait disparu.

Vaunoy entendit sans doute le bruit de sa chute ; mais, plein de cette superstitieuse terreur qui suit et venge le crime, il se boucha les oreilles et s’enfuit, éperdu.

Quelques secondes après, Jean Blanc revint à la surface, ramenant l’enfant évanoui.

Le pauvre visage de l’albinos avait une expression d’allégresse délirante lorsqu’il toucha le bord. Il prit sa course, serra convulsivement l’enfant dans ses bras, et ne s’arrêta que lorsqu’il eut mis une large distance entre lui et le château de la Tremlays.

— J’étais là, disait-il en riant ; je savais qu’on ferait du mal au petit monsieur ! Maintenant il est à moi : je l’ai gagné ! J’étais là pour que le fort ne tuât point le faible, comme dans la chanson d’Arthur de Bretagne.

Ceux qui connaissaient le pauvre Jean Blanc eussent vu dans ces paroles entrecoupées le symptôme précurseur de l’un de ses accès. Lui-même sentait vaguement l’approche d’une tempête intellectuelle, car sa joie tomba tout à coup. Il fit halte au milieu de l’une des routes de la forêt, et déposa Georges sur le gazon d’un talus.

L’atmosphère était froide. Une abondante rosée descendait du faîte des arbres à demi dépouillés de leurs feuilles. Georges restait sans mouvement : ses membres étaient raides et glacés. Une pâleur mortelle couvrait son joli visage.

— Il faut qu’il s’éveille ! grommelait Jean Blanc en