Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/83

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tâchant de le réchauffer sur son sein ; il le faut. Sainte Vierge, réveillez-le !

Ce disant, il se dépouillait de son justaucorps de peaux de moutons, et s’en servait pour envelopper le corps transi de l’enfant. Sa poitrine haletait, ses yeux devenaient hagards. Il luttait contre l’accès qui envahissait ses chancelantes facultés.

Par un dernier éclair d’intelligence, il ôta de sa poitrine une médaille de cuivre qui portait l’image de Notre-Dame de Mi-Forêt. Il la passa d’une main frémissante au cou de l’enfant toujours inanimé.

— Sainte Vierge, cria-t-il dans sa foi désolée, moi, je ne peux plus ! Il a maintenant votre sainte médaille : il est à vous, réveillez-le ! Si vous l’éveillez, bonne Mère de Dieu, je fais vœu…

Un irrésistible rire interrompit cette ardente invocation. Aussitôt après, il tomba en convulsion, puis emporté par sa fièvre folle, il se jeta, tête baissée, gambadant, au plus épais du fourré.

L’enfant, évanoui, resta à la garde de Notre-Dame.

L’accès de Jean Blanc fut long, parce que l’émotion qui l’avait provoqué avait été puissante ; pendant plus d’une heure, il courut les taillis en répétant son étrange refrain :

— Je suis le mouton blanc… le mouton !

Au bout de ce temps, sa fièvre se calma. Il sentit revenir ses idées, et le souvenir de Georges emplit tout à coup son cœur.

Il s’élança, passant par-dessus tout obstacle, et, retrouvant sa route par instinct, en quelques minutes il atteignit l’allée où il avait laissé l’enfant.