Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/92

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— Il y a vingt ans, murmura-t-elle, le maître de la Tremlays s’appelait M.  Nicolas. Ceux que vous nommez les Loups étaient des agneaux alors. C’est la misère qui a aiguisé leurs dents.

Un murmure désapprobateur suivit ces paroles.

— Les Treml étaient de bons maîtres, dit Simonnet avec le même embarras qu’aurait un vieux courtisan parlant d’un roi déchu au sein d’une cour nouvelle, on ne peut pas dire le contraire ; mais les Loups sont des bandits, et il n’y a que vous, dame Goton, pour prendre leur défense.

Un imperceptible sourire plissa la lèvre de Pelo Rouan. La vieille releva sa tête chenue avec dignité.

— Maître Simonnet, répondit-elle, je ne défends point les Loups, qui savent bien se défendre eux-mêmes. Je dis que ce sont des Bretons, voilà tout, et que certaines gens sont plus vaillants au coin du feu que sous le couvert !

Le sourire du charbonnier se renforça et les serviteurs du château restèrent penauds sous cette accusation de couardise faite ainsi à brûle-pourpoint.

— Patience ! Patience ! dit enfin Simonnet. Il doit nous arriver de Paris un brave officier du roi pour prendre le commandement des sergents de Rennes et protéger le passage des deniers de l’impôt à travers la forêt. Ces Loups damnés ont tué le dernier capitaine.

— Gare au nouveau ! interrompit dame Goton.

— On dirait que vous souhaitez un malheur ! s’écria aigrement Renée, la fille de chambre.