Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 1.djvu/144

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ma mie, le roi mon frère vient de bâtir un couvent pour les donzelles de votre sorte. Vous irez aux Madelonnettes bel et bien, et je garderai monsieur mon intendant qui est un honnête homme ! »

Ce dernier mot se perdit en un gémissement et il s’élança tête première derrière ses rideaux.

« Parlez, madame, cria-t-il du fond de son alcôve ; je vous écoute. J’ai lieu de penser que ceci est une crise favorable. Pourquoi Tête-de-bœuf ne veut-il plus être mon intendant ? »

Il y avait sur toutes les lèvres un sourire irrésistible mais le chapelain et le majordome reprirent leur sérieux quand Éliane répondit :

« Monsieur de Guezevern ne peut plus être votre intendant, monseigneur, parce que cet emploi ne convient plus à sa présente qualité. Je ne sais pas s’il voudrait être, à cette heure, le trésorier de notre sire le roi. M. de Guezevern se nomme désormais le comte de Pardaillan.

— Saint sépulcre ! s’écria M. de Vendôme, bondissant hors de l’alcôve, ceci est une avanie de M. le cardinal. J’avais le seul intendant honnête homme qui fût en l’univers chrétien, ils me l’ont pris pour en faire un grand seigneur. Tubleu, Pardaillan ! Beau nom ! riche domaine ! Et figurez-vous, comtesse, que me voici frais comme une rose ! Qu’on mette la nappe, ventre-saint-gris ! je me sens un appétit de page ! Voulez-vous souper avec le fils aîné de Henri le Grand, belle dame ? Non ? Tant mieux ! où il y a de la gêne il n’y a pas de plaisir. Qu’on m’aille quérir une demi-douzaine de messieurs mes amis, n’importe lesquels… ou plutôt, j’y songe, un nombre égal de cadets nobles au brelan de Marion la Perchepré ; je choisirai parmi eux le mieux buvant pour remplacer Tête-de-bœuf, et nous dormirons sous la table. »

César de Vendôme se redressa sur ces derniers mots et quand il voulait, il avait ma foi, belle prestance. Il baisa galamment la main de Mme Éliane et la reconduisit jusqu’à la porte, disant :

« Comtesse, nous vous félicitons de grand cœur. Le hasard a réparé sa propre faute en vous donnant un état digne de vous. Portez s’il vous plaît toutes nos civilités à notre digne compagnon et bien bon ami, M. le comte de Pardaillan, et que Dieu vous ait en sa garde !