Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 1.djvu/25

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carrés d’œillets, ni parmi les buissons de roses, ni sous l’ombrage des vieux tilleuls, taillés en charmille. Elle n’était nulle part, à vrai dire, ou du moins, maître Pol la cherchait en vain.

Dans l’allée fraîche les fleurs envoyaient leurs parfums à foison. C’était bien l’heure de l’entrevue quotidienne, et pas un regard jaloux ne s’offrait aux alentours.

« Éliane ! » appela le page doucement.

Point de réponse.

Les défauts principaux de maître Pol n’étaient ni la patience, ni la prudence. Il gronda en lui-même une couple de ces jurons que sa gentille amie détestait si bien, et répéta en élevant déjà la voix plus qu’il ne fallait :

« Éliane ! »

Un chut imperceptible arriva à son oreille sans qu’il pût deviner d’où.

En même temps, il crut voir un mouvement derrière une treille, chargée de clématites et de jasmins en fleurs, qui avoisinait la porte du logis de dame Honorée.

Le prolongement de la treille fleurie masquait la porte. La première pensée du page fut qu’Éliane lui jouait un tour d’espiègle et se cachait derrière la treille. Il s’élança pour la joindre et entendit, à moitié chemin, le bruit de la porte qui se refermait.

« Oh ! oh ! fit-il en s’arrêtant, elle est tout à fait en colère !

— Bonjour, monsieur de Guezevern, dit à ses côtés une voix douce, mais pleine de reproches ; vous avez beaucoup tardé ; nous n’aurons pas longtemps à causer aujourd’hui.

— Éliane ! s’écria maître Pol stupéfait ; ce n’était donc pas vous qui étiez sous ce berceau ?

— Non, répondit la jeune fille. Le secret de nos entrevues ne nous appartient plus à dater d’aujourd’hui.

— Qui donc l’a surpris ? » demanda le page, rougissant de colère.

Éliane se mit à marcher lentement vers l’allée des tilleuls.

Quoiqu’elle fût à peine sortie de l’enfance, puisqu’elle venait d’atteindre sa quinzième année, la riche symétrie de sa taille était déjà d’une femme ; seulement, on devinait son extrême jeunesse aux flexibilités de son corps et à ce je ne sais quoi, mystérieuse floraison qui fait auréole autour du front des vierges. Elle portait, comme il convenait à sa position, un costume sévère et si simple qu’il aurait pu vêtir une servante : sa jupe et son corsage étaient de laine noire ; sa guimpe montante, de fine toile, n’avait point de broderies.

Mais elle allait tête nue et la splendeur de sa chevelure suffisait à la parer abondamment.

« Éliane, répéta maître Pol en essayant de lui prendre la main, qui donc a surpris notre secret ? »

Elle retira sa main et répondit :

« Quand vous faites orgie avec les officiers de