Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 1.djvu/69

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métier ils brillent, et pourtant tout le quartier salue leur équipage !

Eh bien ! vrai, vous vous tromperiez. Il y avait des voleurs au temps de Louis XIII, le Juste, comme de nos jours, et ils étaient vénérés comme les nôtres, mais fi ! Notre belle Éliane n’aurait pas terni pour un empire la pureté de sa conscience.

Elle était ambitieuse cependant, elle souhaitait la fortune. Quand elle surveillait d’un œil souriant le sommeil de son petit Renaud, souvent, et quelle mère n’est comme elle, bien souvent elle se surprenait à penser : « Notre cher enfant sera au-dessus de nous. Il tiendra une épée au lieu de faire des chiffres ; il sera un grand seigneur, et l’héritage du comte de Pardailian lui viendra quelque jour. »

Elle songeait ainsi, mais quant à prélever sur les mille recettes de l’intendance un bénéfice quelconque qui ne fût pas strictement légitime, jamais ! M. de Vendôme était bien plus heureux encore que nous ne l’avons dit : non-seulement il avait trouvé un intendant honnête homme, mais, de plus, madame son intendante était une honnête femme.

Et c’était ici le principal.

Car notre Éliane avait tenu ce qu’elle avait promis : c’était elle qui faisait tout. Elle avait bien appris à Guezevern l’art d’écrire correctement et de chiffrer de même ; mais l’effort de ce bon garçon s’était borné là. Il laissait à sa femme le soin de tenir les comptes. Les registres, on peut le dire, lui étaient étrangers. Bien plus, et ceci, peut-être, va vous sembler très-coupable, comme Éliane lui avait donné son propre corps d’écriture, il la faisait écrire pour lui, signer pour lui.

Sa paresse allait jusque-là ! Il eût fait assurément, et nous disons cela pour sa défense, un très-bon mousquetaire du roi, un excellent chevau-léger, un homme de guerre peut-être remarquable ; mais la plume ne lui valait rien, et son Éliane qui l’adorait, lui épargnait tous les ennuis de la plume.

Maître Pol était sûr de sa femme. Il dormait sur les deux oreilles, certain que ses affaires étaient bien faites. Il allait, il venait, toujours content à l’heure du retour, parce que toujours il trouvait bon visage.

Il était fou de son fils qui semblait promettre d’être un hardi garçon comme lui ; mais quand il le faisait chevaucher sur son genou, il disait souvent à Éliane qui rougissait et souriait :

« La petite sœur ne viendra donc jamais ? »

Éliane répondait :

« Tout viendra en son temps, monsieur de Guezevern. Quelques années encore et vous serez un homme de guerre, puisque c’est votre envie. Vous m’avez donné votre confiance avec votre tendresse : en retour, moi, je vous donne toutes les heures de mon existence. »

Et par le fait, en dehors même de cette lourde charge d’intendant qu’elle remplissait à miracle, Éliane entretenait, au su de son mari et en son nom, des relations