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Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/249

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sans cesse sur ses lèvres : l’ordre de la reine.

— Quel peut être cet ordre ? murmura Estéban.

— Je l’ignore. Une autre pensée venait bien souvent à la traverse de celle-ci dans l’esprit de madame Éliane : la pensée de son fils. Si elle a capitulé si vite, si elle a demandé seulement les heures de cette nuit avant d’ouvrir les portes du château aux gens du roi, c’est qu’elle craignait pour son fils, arrivant seul et cherchant à percer les lignes ennemies. Elle est payée pour craindre et pour savoir que rien ne coûte à l’avide ambition de ses adversaires. À Paris, au moment où elle est tombée dans le piège que lui tendaient le conseiller Renaud et M. le baron de Gondrin, elle se croyait sauvée, elle se croyait victorieuse ; elle avait pris ses mesures pour rappeler auprès d’elle ce fils qu’elle se sentait capable de protéger désormais. Sa plus cruelle frayeur est, maintenant, de l’avoir désigné aux coups des assassins.

Pendant que Mélise parlait, on avait monté l’escalier tournant qui conduisait à une porte communiquant avec le corridor principal du premier étage. Le corridor était désert. Le vent du dehors gémissant dans les jointures des hautes fenêtres, agitait le lumignon qui l’éclairait. Mélise s’arrêta devant une draperie fermée et dit à Roger :

— Monsieur le comte, vous allez voir votre mère et votre sœur.

Elle s’effaça pour lui livrer passage.

Un mot vint jusqu’aux lèvres de Roger, qui était très pâle ; mais il resta muet, souleva la draperie et entra. L’instant d’après, on entendit derrière la porte refermée un grand cri de joie.