Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/291

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On disait la forme de cette chambre à coucher mortuaire, comment étaient disposées les tentures et de quelle façon les deux lits se coudoyaient dans l’alcôve, le lit où dormait la vivante, le lit où reposait le défunt.

Et qui disait cela ? des gens venus de Rodez, de Digne, et de plus loin ; des gens qui arrivaient du Languedoc ou de la Guyenne ; le lugubre drame avait fait explosion en quelque sorte. La curiosité passionnée de toute cette cohue qui avait la fièvre des tragédies judiciaires ne consistait déjà plus à savoir, mais à voir.

Les heures de la nuit avaient été fécondes outre mesure. Malgré l’orage qui laissait les torrents enflés et les chemins défoncés, toutes les routes avoisinant le château de Pardaillan, qu’elles vinssent du nord ou du sud, du levant ou bien du couchant, avaient vomi d’innombrables quantités de pèlerins. C’était une folie ; on venait là comme à la grande foire du scandale sanglant : alors, comme aujourd’hui, le scandale et le sang avaient d’extravagantes vogues.

Il ne s’agissait plus, en vérité, d’un plus ou moins grand nombre de chalands pour maître Minou Chailhou et son auberge du Tourne-Bride, les maisons du village réunies n’auraient point pu contenir la dixième partie des enragés de spectacle. On campait aux alentours du château, dans le vallon, dans les gorges, en haut du mamelon ; vous eussiez dit, sauf le costume, et en tenant compte de l’absence des chameaux, l’inondation humaine qui baigne les sables de la Mecque au temps du pèlerinage.