Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/292

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C’étaient des familles entières, des hommes, des femmes et des enfants ; il y avait des mères qui apportaient le nouveau-né dans leurs bras. D’énormes chars amenaient des clans bourgeois, et quelques véhicules gothiques avaient l’honneur de voiturer les nobles couvées grouillant dans les gentilhommières du voisinage.

Tout cela, ne vous y trompez pas, était parfaitement exempt de mélancolie. Il n’y a rien de gai, au fond, comme les mélodrames. Ce serait à croire que le plus joyeux des mots est la détresse d’autrui. Tout cela riait, racontait, bavardait, se disputait, se battait, se réconciliait. Margou Chailhou était bien vieille, mais elle n’avait jamais vu une si aimable fête. Au moment où la porte s’ouvrait, la foule fit irruption terriblement. Tout le monde voulait entrer à la fois. En vain les bourgeois prétendaient primer les paysans, en vain les gentilshommes prétendaient rejeter les bourgeois en arrière, les rangs furent un instant confondus et il y eut anarchie complète. Le niveau se faisait violemment parmi toutes ces curiosités chauffées jusqu’à la démence, et l’avantage restait aux meilleurs poignets.

Une fois le pont-levis traversé, les vestibules et la salle des gardes furent envahis en un clin d’œil. Il n’y avait personne pour modérer l’invasion. Ce coquin de Mitraille s’était retiré tout de suite, après avoir exécuté les ordres de madame la comtesse, et on l’avait entendu qui disait, en jetant les clefs à la volée :

— Maintenant, je n’ai plus besoin de ma sagesse. Tout est fini, et je vais boire !