Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/51

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en larmes et je lui répétai ce que j’avais entendu. Dieu soit loué ! il n’était pas à jeun : ce monstre de Roger l’avait mené au cabaret de la Pomme d’Amour, rue des Bons-Enfants, auprès du palais Cardinal ; il avait bu un plein flacon de vin de Guyenne, il possédait donc toute sa raison.

Voilà ce que j’appelle une belle colère ! Il brisa du premier coup les quatre pieds de la table qui est au milieu de notre chambre. Il ébrécha cinq tasses sur six que nous avons, et mit en pièces mon pauvre miroir. Cela me soulagea, et je l’embrassai en lui apportant la sixième tasse, qu’il lança par la fenêtre à travers un carreau.

« Ah ! les misérables ! les misérables ! s’écria-t-il. Je vois bien qu’il y a une affaire montée. Madame Éliane pourra-t-elle se tirer de là ? Si je savais au juste le fin mot, je travaillerais si bien, que j’arriverais à la sauver, peut-être, mais on ne me dit rien ! »

— Père, ce n’était pas madame Éliane, demandai-je, qui était au manoir de Rivière-le-Duc avec M. le cardinal ?

— Merci de moi ! s’écria-t-il encore, tu ne dois point garder un doute sur ta bienfaitrice, et il faut que tu saches tout, petite fille. C’était la première fois que madame Éliane quittait son poste au château de Pardaillan. Depuis, elle a fait plus d’une absence dont Dieu seul connaît le pourquoi. Dieu seul aussi sait ce que le pauvre Pol de Guezevern devient pendant ses voyages. Ah ! celui-là, le titre de comte et la fortune ne lui ont pas apporté le bonheur !

Je me creuse la tête, fillette ; il y a quelque