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Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 2.djvu/62

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père, et don Estéban qui suit sans cesse sa piste mystérieuse, m’éclaire par ses questions. Je donnerais de mon sang pour savoir la pensée secrète de cet homme !

Pola tressaillit et murmura :

— Je suis comme toi ; cet homme me fait peur.

— J’ai peur, c’est vrai, pensa tout haut Mélise, mais j’ai espoir aussi… car voici ce qu’il fit le jour du duel : je ne te l’ai pas dit encore. Le duel avait lieu derrière les Célestins, le long de l’eau. Chacun des adversaires avait un second, et ceux-là se battaient pour la montre, mais Gaëtan et M. de Gondrin besognaient pour tout de bon. Ils étaient armés de l’épée et du pistolet. M. de Gondrin avait reçu le feu de Gaëtan dans son pourpoint et son sang coulait par une estocade qu’il avait à l’épaule droite, quand il a pu passer sous le fer du chevalier et le renverser d’une poussée à l’italienne. La pointe de son épée était déjà sur la gorge de Gaëtan ; une main nue a saisi la lame et l’a brisée…

Le croirais-tu ? c’est Gaëtan qui s’est fâché le plus fort !

— Oui, murmura Pola dont le souffle s’embarrassa dans sa poitrine, je le crois !

Mélise haussa les épaules franchement.

— Que Dieu vous bénisse, vous autres gentilshommes et nobles demoiselles, dit-elle. Vous n’avez pas le sens commun ! Quand il faudrait remercier, vous vous mettez en colère. La main nue qui avait brisée l’épée était au More. Il fit comme toi, apparemment ; il comprit la colère du chevalier Gaëtan, car il lui promit de le rencontrer où