Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/169

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sa jeune protectrice un regard de reconnaissance et d’admiration.

Sainte allait avec précaution, et le soutenait de son mieux. Après bien des efforts, ils arrivèrent à la cabane et Jean Brand se coucha dans son lit, qui était devenu celui du docteur. Sainte avait souvent aidé son père dans ses pansements. Intelligente et adroite elle avait retenu ce qu’il fallait faire dans ces occasions, et le blessé se sentit bientôt assez soulagé pour chercher le sommeil.

À peine était-il endormi que les Bleus arrivèrent. Sainte fit tomber autour du lit l’épais rideau de serge, et ouvrit la porte aux soldats de la République. Si Jean Brand s’éveilla pendant l’heure qui suivit, il dut se croire l’objet d’une étrange vision. Les républicains s’étaient attablés sans cérémonie et faisaient fête au vin du docteur. Quand ils eurent bien bu, ils se retirèrent et laissèrent la pauvre Sainte accablée de tristesse : nul, parmi eux, n’avait pu lui donner des nouvelles de son père.

Mais Jean Brand ne s’éveilla que le lendemain, ignorant le danger qu’il avait couru pendant son sommeil. Sa première parole fut, néanmoins, un cri de gratitude. Tandis que Sainte le pansait, elle sentit une larme tomber sur sa main. Jean Brand pleurait.

Mam’zelle Sainte, dit-il, si Dieu m’exauce, je vous revaudrai cela quelque jour.

— Vous ne me devez rien, répondit-elle, et si vous voulez me faire une promesse, je serai trop payée.

— Laquelle ? s’écria Brand avec vivacité.

— Le hasard peut vous mettre un jour en face de mon père dans un combat. Épargnez-le en souvenir de moi !

— Je vous le jure.

— Merci.

Sainte avait fini le pansement. Elle s’assit auprès du lit et mit sa tête entre ses mains. Alors seulement Brand remarqua sa profonde tristesse, et c’eût été