Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 2, 1850.djvu/256

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la lune lui montra les deux tombes toutes fraîches et que nulle pierre ne recouvrait encore.

Marthe se mit à genoux entre les deux tombes, et demeura longtemps immobile. L’air sentait l’orage : le vent commençait à se lever, fouettant l’atmosphère pesante ; le gras feuillage des ifs s’agitait par intervalles, et la girouette de l’église, tournant à ce souffle incertain qui précède la tempête, jetait dans la nuit sa plainte rauque.

Marthe n’entendait rien ; seulement, quand le vent portait et que le bruit sourd du tournant de Trémeulé montait jusqu’à elle, son corps semblait éprouver un choc soudain.

Elle savait que les cadavres des deux jeunes filles avaient été retrouvés sous la Femme-Blanche.

Les minutes s’écoulaient. Marthe restait toujours muette et sans mouvement. Au bout d’un quart d’heure environ, elle rejeta en arrière ses longs cheveux qui lui couvraient le visage, car elle était sortie tête nue. Sans l’ombre épaisse projetée par les deux ifs, on eût pu voir en ce moment sur ses traits un sourire tranquille et doux.

Sa douleur s’endormait en un rêve…

— Diane !… dit-elle tout bas.

Et comme le silence répondait seul à cet appel, Marthe se tourna vers l’autre tombe.