Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/113

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— Mais qu’as-tu donc, chérie ? demanda-t-il en s’interrompant. Te voilà toute bouleversée.

— C’est que, répondit Irène, tes visites deviennent de plus en plus courtes. Tu as quelque chose, père…

C’était si vrai que Vincent ne songea même pas à le nier. Il se rassit.

Quant à Irène, elle courbait la tête, étonnée et honteuse de l’habileté soudaine qu’elle venait de trouver en elle-même pour côtoyer par deux fois le mensonge.

Elle ne se souvenait point d’avoir jamais dissimulé sa pensée. Son cœur était serré douloureusement.

— Ma chérie, reprit Carpentier avec un véritable embarras, l’homme est une bien pauvre créature. Ce qui m’excuse, c’est que je travaille pour toi uniquement. Cela est certain, je pourrais laisser aller ma vie et être plus heureux qu’un roi. Je n’ai ni passion illicite ni ambition prohibée. Autour de moi le succès grandit, supérieur peut-être au talent que Dieu m’a donné. Je suis sûr de te laisser ce qu’on nomme « une belle existence, » et mon cœur ne désire rien en dehors de cela. Mais il y a autre chose que le cœur. Une fièvre s’est emparée de ma tête. Un jour que j’allais au hasard, je me suis heurté contre une énigme… J’en dis trop. Ne répète jamais cela. Il y va de la vie !