Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/160

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laissé la porte ouverte, l’ivrogne maudit ! Je n’aime pas qu’il arrive malheur aux jeunes gens devant moi.

Elle mit la main à sa poche et en retira une bouteille clissée dont elle fourra le goulot entres ses lèvres en grommelant :

— L’ivrogne ! le maudit ivrogne !

Mes yeux battaient, ma tête s’affaissa. La vieille fit claquer sa langue et dit :

— Celui-là est un joli garçon, que le tonnerre m’écrase !

Elle s’interrompit pour ajouter :

— C’est bête de jurer par un orage pareil.

Et elle se signa.

— Au nom de Dieu ! murmurai-je, de l’eau, un peu d’eau !

Elle s’approcha et me tendit sa bouteille avec un sourire assez bon enfant, mais qui me montra le vide caverneux de sa bouche.

— De l’eau ! répétais-je.

Elle rit plus fort et introduisit sa bouteille entre mes lèvres.

Le besoin surmonta mon dégoût. J’avalai une gorgée.

— Est-ce que vous venez de Sartène, mon cœur ? me demanda-t-elle en patois corse.

— Je viens de Paris, répondis-je. J’ai froid et j’ai faim.