Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/167

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sur mon misérable corps rendu de lassitude. Je refusai de partir.

La vieille manifesta d’abord une très vive colère, mais cela dura peu. Les idées vacillaient dans son cerveau. Elle se mit à détonner de sa voix éraillée la Cachucha, qui était alors à la mode, et faillit faire la culbute en essayant une pose de danseuse espagnole.

— Ça m’a toujours un peu changée de voir quelqu’un de Paris, dit-elle. Je donnerais cent francs pour une nuit du boulevard du Temple. Ici, nous n’avons rien, pas même des militaires. Le marchef est un ivrogne et il a le vin noir comme du cirage. C’est du bien drôle de monde, allez ! On dit qu’il y a une cave toute pleine de diamants et d’or qu’on peut remuer à la pelle comme du blé en grange. Ils vont, ils viennent. Parfois ils amènent quelqu’un qui ne s’en va plus jamais.

Croyez-vous au diable, vous ? Moi, je l’ai vu. Il est plus vieux que le Juif errant. Il a tué son père, il a tué son fils. Son petit-fils est en âge de le tuer. C’est la règle de succession. Celui qui ne poignarde pas est poignardé. Et le Maître reste, toujours le même, sous son masque éternel.

Un pas pesant se fit entendre tout à coup dans l’escalier.

La vieille remit en poche précipitamment sa bou-