Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/168

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teille qu’elle était en train de porter à sa bouche. Elle devint blême et se prit à trembler.

— Cette fois, c’est le marchef ! balbutia-t-elle en prenant à la hâte tout ce qui était sur la table pour le jeter pêle-mêle dans l’armoire. Je vais être battue.

— Je vous défendrai, voulus-je dire.

— Innocent ! fit-elle avec un souverain mépris. Toi ! contre le marchef !

Elle prêta l’oreille. Le pas butait contre les marches.

— Il a de la peine à monter, fit la vieille. C’est un ivrogne. Il a peut-être travaillé. Chaque fois qu’il travaille, il boit double. Nous avons le temps.

Tout en parlant, elle m’avait saisi à bras-le-corps et m’entraînait vers la porte, située derrière le lit.

— Le maître ne rentrera pas avant le jour, grommelait-elle. D’ici là le marchef dormira comme une souche. Tu te sauveras, bijou. Pourquoi donc ai-je fantaisie de te sauver ? C’est drôle.

Elle me poussa dans la pièce voisine et referma violemment la porte sur moi.

Mais le sol du trou sombre où elle m’avait mis ainsi était couvert de paille et de débris de toute sorte. Le battant de la porte rencontra un copeau qui le cala, laissant un vide large comme trois doigts entre le volant et le chambranle.