Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/169

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Je pense être assez brave par nature, car je ne me souviens pas d’avoir jamais eu peur.

Je n’avais pas peur.

Ma faim étant assouvie, un besoin irrésistible de repos me tenait, combattu par un sentiment de curiosité qui allait grandissant.

Les choses que je venais d’entendre et de voir m’auraient frappé plus énergiquement si j’eusse été dans mon état normal. Plus tard, l’impression que j’en ai eue par le souvenir a été violente jusqu’à faire courir le frisson dans mes os.

J’étais engourdi cette nuit-là, dominé, vaincu par l’épuisement.

Je n’avais point menti en disant que j’eusse affronté un danger mortel plutôt que les souffrances d’un nouveau voyage à l’aventure dans une pareille nuit.

Mon premier mouvement appartint tout entier à la bête. Je fis comme ces Anglais qui glissent sous la table, après une joyeuse orgie de Londres, et s’arrangent stoïquement pour dormir entre les pieds des autres convives qui ne sont pas encore ivres-morts.

Je rassemblai sous moi quelques poignées de paille et j’y reposai ma tête endolorie, sans trop de souci de ce qui allait advenir.

Mais une envie étrange de voir et de savoir me tenait éveillé, malgré mon affaissement.