Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mes yeux, que le hasard avait mis juste en face de l’ouverture donnant jour sur la chambre aux deux portraits, restaient ouverts, mes oreilles écoutaient vaguement.

Je voyais devant moi la toile où mille rides sillonnaient la face du vieillard, jaune et luisant comme un ivoire antique. Ses yeux, recouverts par deux touffes de sourcils gris, me semblaient lancer un regard sournois au portrait qui lui faisait face et que je ne pouvais apercevoir.

La porte d’entrée fut poussée avec tant de brutalité que le battant craqua et faillit éclater.

Un homme entra et vint se jeter sur une escabelle, juste au-dessous du portrait.

Cet homme avait une face de boule-dogue sur un corps de taureau. Sa tête était découverte et son front disparaissait presque sous l’abondance de ses cheveux crépus.

— Mauvaise nuit, dit-il, on n’y voit pas à mettre un pied devant l’autre.

— Est-ce que vous avez été boire loin d’ici, M. Coyatier ? demanda la vieille.

— Je n’ai pas bu, non, Bamboche, mauvaise nuit. J’ai gagné le frisson.

Il ajouta en baissant la voix :

— C’est fait !

— Le Père est mort ? balbutia la vieille avec plus de curiosité encore que de terreur.