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Un pas pénible se faisait entendre derrière moi, très loin et très bas, montant un escalier, qui communiquait sans doute avec mon réduit.

La vieille bamboche prêta l’oreille. Elle était en face de moi maintenant. La lumière tombait d’aplomb sur ses traits.

Je la vis qui devenait livide de terreur.

Sa bouteille, qu’elle voulut lever, s’arrêta à moitié chemin de ses lèvres.

Ses deux bras s’affaissèrent le long de ses flancs.

— Moi aussi, j’avais oublié ! fit-elle avec une véritable détresse. Jésus-Dieu ! qu’allons-nous faire de l’innocent !

L’innocent, c’était moi.

— Quel innocent ? demanda le marchef, qui fronçait déjà le sourcil.

Bamboche lui raconta en trois paroles comme quoi j’étais entré à l’improviste quelques heures auparavant, et comme quoi, malgré elle, — en dépit de tout bon sens, elle avait eu pitié de moi.

Elle ajouta :

— Il est blanc et beau comme eux.

Le marchef eut un rire sinistre et murmura :

— La place ne manque pas au fond du ravin.

Cela me fit froid dans les veines et l’idée de résister naquit en moi, mais j’essayai en vain de remuer mes membres que l’immobilité avait paralysés.

On n’entendait plus le pas dans l’escalier.