Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le naufrage du paquebot et me suppliaient de les tirer d’inquiétude.

Je répondis, mais sans entrer dans les détails romanesques qui avaient suivi mon naufrage. Ces détails ne sont connus que de deux personnes, mon père d’adoption et vous.

Je les ai fournis à M. Carpentier comme à vous à propos du tableau de la galerie Biffi, sur lequel il me demandait des explications.

Dès mon arrivée à Rome, l’idée d’art s’était emparée de moi tout entier. Je ne voyais qu’une chose, mon travail.

Je ne puis dire que j’eusse oublié l’aventure de Sartène, au contraire, je m’étonnais souvent de l’obstination avec laquelle ma mémoire y revenait en dépit de moi-même ; mais à mesure que le temps passait, les circonstances de cette aventure m’apparaissaient de plus en plus étranges, et j’en arrivais à douter de mes propres impressions.

Je me défiais de mes souvenirs.

Je me représentais mon état de fatigue et de souffrance. Je me disais : Ce n’était certes pas un rêve, mais la fièvre a être pour beaucoup dans tout cela.

Vers la fin de la quatrième année de mon séjour à Rome, le hasard, en plaçant devant mes yeux, dans la galerie Biffi, le tableau du Brigand, rendit en quelque sorte ma fièvre d’autrefois à son état aigu.