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Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/206

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sein fût de m’amener à confesser la misère de ma position si enviée, vous avez réussi. Je suis comme ceux qui profitent d’un pacte avec Satan. Je ne jouis pas de ma prospérité. J’ai peur.

— Et vous avez raison d’avoir peur, articula nettement la comtesse Marguerite ; il y a de quoi.

Vincent poursuivit :

— Il y a des jours où je forme le projet de tout abandonner, de prendre avec moi mes deux enfants et de fuir loin, bien loin au-delà de la mer.

— Des jours, non, rectifia Marguerite. Dites des heures pour rester dans le vrai. Mais l’heure qui suit vous trouve enfiévré par la passion qui me possède moi-même ; car, moi aussi, j’ai gagné le gros lot ; moi aussi je devrais jouir en paix de ma fortune inespérée ; — et moi aussi, je laisse errer le regard de mon imagination affolée parmi les monceaux d’or, de perles, de diamants dont le « tableau du Brigand » fait deviner dans la nuit les prodigieuses perspectives. Voulez-vous partager ?

Ses yeux brûlants étaient fixés sur ceux de l’architecte, dont les paupières battirent et se baissèrent.

— Sur mon salut, balbutia-t-il, et, si vous ne croyez pas en Dieu, sur mon honneur, sur ma vie, sur l’existence de ma fille, je jure, que je ne sais rien, que je ne veux rien !

La comtesse avait avancé sa main.