Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/207

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— Poltron ! fit-elle en la retirant avec mépris.

Puis elle ajouta :

— Menteur ! à quoi passez-vous vos nuits depuis six ans ? Pourquoi cet air distrait qui vous suit partout ? On ne vous connaît pas une histoire de femme, vous dédaignez la table, vous n’aimez rien de ce qui s’appelle le plaisir… Ah ! pour tromper le colonel Bozzo-Corona… et même moi qui ne lui vais pas à la cheville, il eût fallu au moins un comédien, et vous n’êtes qu’un fou !

Carpentier semblait atterré.

— Cela devait venir ! pensa-t-il tout haut. Le pacte ! Le pacte avec Satan ! On en meurt toujours ! Madame, écoutez-moi et croyez-moi : depuis six ans je passe mes nuits à trembler. Cet air distrait qui me suit partout, c’est la conscience que j’ai de ma condamnation. Aimer une femme, moi ! mais le désir s’obstine-t-il jusque dans l’agonie ? La table, le plaisir…

Il s’interrompit en un rire découragé. La comtesse, qui l’écoutait froidement, dit :

— Si vous êtes si bas, pourquoi refusez-vous l’association que je vous offre ?

— Parce qu’il a tenu sa promesse.

— Qui ? Satan ?

— Il m’avait dit d’oublier. J’ai oublié. Je vis encore. N’est-ce rien ?