Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il fut longtemps sans parler, car ce ne sont pas seulement des pensées qui traversent l’esprit des solitaires ; ils parlent à haute voix, avec éloquence souvent, parfois avec violence, et le monologue dont le théâtre abuse est, dans une certaine mesure, l’expression de la réalité.

Piquepuce était un observateur. Il savait cela. Son oreille remplaça son œil au trou de la serrure, juste au moment où Vincent se redressait tout pâle avec du feu sombre plein les yeux.

Vincent ne se ressemblait plus à lui-même. Son visage était effrayant de souffrance et d’audace. Il froissa de la main le plan étendu devant lui et dit tout haut, d’une voix nettement articulée :

— Je n’avais pas besoin de cela. Je savais ma route. Dès le premier jour, quelque chose a parlé en moi. Ce point rouge, je le voyais à la place même où mes calculs et mes recherches l’ont placé. Il brillait comme une flamme. Il éblouissait ma pensée. J’aurais été à l’endroit qu’il désigne, les yeux bandés, tout droit, à travers n’importe quels obstacles, comme on marche à sa destinée.

Il secoua la tête lentement, avec tristesse, mais avec fermeté, comme on fait en écoutant une accusation grave, plausible, mais injuste.

— Non, je ne suis pas un voleur, reprit-il, je l’affirme, je le jure ! je ne sais pas tout, mais chemin faisant, j’ai appris bien des choses, et le tableau de