Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/259

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une misérable barrière, quand l’attente a glacé son ardeur et usé sa volonté.

Carpentier allait, noyé dans ses pensées et supputant les chances favorables ou contraires de son expédition, lorsqu’il s’arrêta tout à coup à l’angle de la Chaussée-d’Antin, devant le café Foy, qui, tenté par la température, avait mis dehors un triple rang de tables comme un vulgaire estaminet.

Certes, Vincent Carpentier n’avait là personne à chercher ni à surveiller. Les gens qui, comme lui, vivent d’une idée fixe, sont à l’abri des préoccupations communes au reste des mortels. L’amour ne les connaît guères, et, par conséquent, ils ignorent la jalousie.

Et pourtant, vous eussiez dit le rayonnement sombre que lance la prunelle d’un jaloux, quand le regard de Vincent, parcourant avec une morne indifférence la ligue des buveurs attablés au café de Foy, s’alluma tout à coup.

Ce fut comme un réveil en sursaut produit par une surprise extrême, mêlée à un mouvement de terreur.

Il avait aperçu, — ou cru apercevoir, — à l’une des tables de marbre placées au dehors, une figure à lui bien connue, mais la dernière assurément qu’il pût s’attendre à rencontrer en un pareil lieu.

C’était un pâle visage, austère et beau.

Ce n’était qu’un visage, car les mouvements de la