Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/298

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les grandes entreprises. Jamais de spéculations malsaines ! Je hais le risque, j’abhorre le jeu. Tout doit être profit pour le bon père de famille, rien ne doit être perte. — Et le chêne grandit, sûrement, fatalement, et chaque gland qui mûrit, piqué en terre, fait un arbre, lequel laisse tomber à son tour d’autres glands qu’on sème. — C’est un bosquet, puis un bois puis une immense forêt !

Dans ce coffre, modeste comme l’armoire où l’avocat serre ses dossiers, il y a assez de créances exigibles, pour mettre l’Europe en banqueroute et l’Amérique aussi. C’est un mystique océan où tombent chaque année, sous forme de rentes, des fleuves, de véritables fleuves… Et je suis fort, va garçon, car je ne meurs pas de cette ivresse !

Sa voix haletait. Il essuya la sueur de son front.

Vincent demanda, redevenu enfant par l’ébranlement terrible qui secouait sa pensée :

— Y a-t-il bien un milliard ?

— Il y a plus, il y a tout ! répliqua le colonel dont les yeux eurent une lueur de folie. Il y a moi qui suis le bailleur de fonds de vingt boutiques royales, impériales ou républicaines : la France, l’Angleterre, l’Autriche, la Russie, les États-Unis, que sais-je ? Je suis la force de l’argent à laquelle rien ne résiste. Il m’arrive de m’endormir le soir en songeant que, — si je voulais, — je ferais trois petits tas de poussière avec les trois maisons Rothschild, qui passent pour