Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/299

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les plus puissantes cavernes de l’univers. Je n’aurais pour cela qu’à lever le doigt : leur crédit est là sans qu’ils s’en doutent, — là, sur cette planche, dans ce coin qui pourrait demander à leurs caisses dix, vingt, cent millions, l’impossible ! D’autres fois, je berce mon insomnie en faisant des révolutions ; l’argent fait tout. Hier, l’idée m’a poussé d’acheter un empire. Ce ne serait pas très cher, et, comme spéculation, on pourrait tirer de ses capitaux un intérêt sortable, mais…

Il s’interrompit en un petit rire sec et méprisant.

— Empereur ! prononça-t-il du bout des lèvres, allons donc ! Les souverains sont tous de pauvres hères qui ont grand’peine à nouer les deux bouts. Je les ai vus de près, ces maîtres qui commandent tout haut et qui tout bas obéissent. Regarde-moi, fifi : je vaux dix empereurs !

Il ne riait plus. Il avait redressé sa taille caduque dans une tentative de majestueuse attitude où il y avait de l’enfantillage et de la grandeur.

Car il était à la fois ridicule et formidable.

— Regarde-moi, répéta-t-il, je suis l’Or. Ce n’est pas aux rois qu’il faut me comparer, ni à rien de ce qui vit sur la terre. J’ai deux rivaux : l’un au ciel, l’autre en enfer : car il n’y a que Dieu, si Dieu est, et le démon, si le démon existe, qui puissent dire comme moi : tout m’appartient, puisque j’ai dans la main le prix de tout !