à aimer ici bas, toi et notre Reynier qui est encore toi. Parmi celles qui restent au couvent pendant les vacances, il y a aussi les abandonnées.
— C’est vrai, fit Irène qui regarda son père en face. Je n’avais pas songé à cela.
— Et il y a encore, poursuivit Vincent avec une tristesse amère, les orphelines.
Irène lui jeta ses deux bras autour du cou.
— Mon père, s’écria-t-elle, je deviendrai folle si je reste. J’ai idée qu’il y a un malheur chez nous.
Vincent essaya de sourire, mais les larmes lui vinrent aux yeux.
— Chez-nous, répéta-t-il d’une voix altérée il n’y a plus rien, ni bonheur ni malheur. La maison est morte.
Irène l’écoutait, mais elle ne comprenait pas. Vincent poursuivit douloureusement :
— Tu étais bien petite, et pourtant, tu dois te souvenir du grand bonheur qui était chez nous. Une âme, une chère âme emplissait mon logis : l’autre Irène, ta mère. Ne m’accuse jamais de ne point t’aimer assez, fillette. Tu ressembles à ta mère. Celle-là c’était ma joie, mon espoir et ma conscience aussi. Quand ses yeux ont été fermés pour toujours, quand je n’ai plus vu son adoré sourire, quelque chose s’est brisé au-dedans de moi. Je me suis senti moins bon, moins fort, moins homme : ma foi s’éteignait avec la bien aimée lumière qui avait éclairé ma jeunesse.