Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/400

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Vincent la baisa au front et dit :

— C’est cela, tu ne l’aimes plus.

La jeune fille voulut protester, il lui ferma la bouche d’un geste plein de douceur.

— J’ai eu tort, reprit-il. Le monde raille ou blâme les veufs qui se consolent, il fait mal. Ceux qui lie se consolent pas, restent seuls. Là est la malédiction…

— Oh ! père, père ! sanglota Irène, te repens-tu d’être resté fidèle à celle qui t’aimait tant ! Tu vas te remarier, dis-le ! je te promets de l’entendre sans colère.

Pour la seconde fois, Vincent Carpentier secoua la tête et répondit :

— Non, non, je ne songe pas à me remarier.

— Mais alors… commença Irène dont la belle bouche ébaucha un sourire.

Il l’interrompit pour prononcer tout bas :

— Nous sommes plus malheureux encore que cela.

Le front de l’enfant s’inclina comme si une main de fer l’eût accablée de son poids.

— Tu ne m’as pas répondu, reprit Vincent qui baissa la voix encore davantage, quand je t’ai demandé si elle n’était plus au couvent.

— Je vous ai demandé de qui vous parliez mon père, répliqua Irène sans relever les yeux.

— C’est vrai, mais tu n’avais pas besoin de ma