Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/415

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Reynier l’avait suivi en silence. Il n’osait plus interroger. Son trouble allait jusqu’à l’angoisse.

Vincent regarda longtemps le tableau sans parler, puis il dit d’une voix profondément altérée :

— J’ai vu cela. C’était horrible… horrible !

Une nouvelle inquiétude traversa l’esprit de Reynier. Il crut à un trouble mental.

— Père, voulut-il dire, ce drame a eu lieu bien loin d’ici, il y a bien longtemps.

Vincent ne prononça qu’un mot :

— Hier !

Il laissa retomber le voile ; mais le voile s’accrocha de manière à ne couvrir que la moitié du tableau. L’autre moitié resta visible : celle qui montrait le jeune homme, — l’assassin.

— Hier ! répéta Vincent, frissonnant de tous ses membres. C’est lui ! c’était le même ! Et son crime m’a sauvé la vie.

Il chancela. Reynier le soutint dans ses bras.

— Emmène-moi de là, dit Vincent dont le regard allait malgré lui vers la toile. Je ne veux plus voir cet homme. Il a essayé deux fois…Du poison… la balle d’un fusil… le couteau est plus sûr, le couteau réussira. Il me tuera.

Il lui fallut l’aide de Reynier pour regagner son siège, car il pouvait à peine marcher. Il semblait être sous le coup d’une émotion épuisante.